Discours pour l’anniversaire d’Emmaüs

Discours pour l’anniversaire d’Emmaüs

C’était aujourd’hui le 50ème anniversaire de la signature du manifeste d’Emmaüs. J’ai pu prononcer un discours sur cette digne association lors de l’événement au Palais fédéral.

Monsieur le président d’Emmaüs International,

Monsieur le président d’Emmaüs Suisse,

Chers représentants du mouvement Emmaüs,

Mesdames et Messieurs,

 

La Suisse, le pays du chocolat, des montagnes, du fromage, des horloges. Et, bien sûr, le pays le plus riche au monde. C’est souvent ainsi que la Suisse est représentée dans l’imaginaire collectif. Mais on oublie parfois qu’en raison d’une répartition inéquitable des richesses, la pauvreté est une réalité en Suisse également. Étant moi-même originaire du canton du Tessin, la région la plus pauvre de Suisse, je sais parfaitement que ce visage moins connu de notre pays existe bel et bien. D’après l’Office fédéral de la statistique, près d’un Tessinois sur trois est menacé de pauvreté, soit une moyenne deux fois supérieure à la moyenne nationale. Même en ce qui concerne la pauvreté réelle, l’écart se confirme avec 16,5 % des ménages tessinois vivant sous le seuil de pauvreté, contre 7,5 % pour la moyenne nationale.

La pauvreté est un phénomène complexe, aux multiples facettes, qu’on ne peut réduire à de simples statistiques : il ne faut pas oublier les histoires humaines qui se cachent derrière les chiffres. De l’employée de bureau licenciée après un congé de maternité au jeune homme qui ne trouve pas d’emploi au terme de sa formation, en passant par l’ouvrier contraint à faire des heures supplémentaires non rémunérées sur appel : le marché du travail devient de plus en plus précaire, et nombreuses sont les personnes qui peinent à boucler leurs fins de mois. À cela s’ajoutent les cas particulièrement difficiles, dans lesquels la pauvreté va de pair avec l’exclusion sociale, un autre phénomène malheureusement également présent en Suisse.

Cela me rappelle un cas qui s’est produit au Tessin il y a deux ans. Un cas qui m’a particulièrement touchée et qui présente d’importantes similitudes avec les circonstances qui ont poussé l’Abbé Pierre à lancer son célèbre appel. En décembre 2016, un sans-abri d’une quarantaine d’années s’était caché dans la cave d’un immeuble de Lugano pour s’abriter du froid et avait perdu la vie dans l’incendie qui avait éclaté peu après, asphyxié par la fumée. Tous les habitants du bâtiment avaient pu être secourus par la police. Mais pour lui, personne n’a rien pu faire, car sa présence était ignorée de tous, à l’image de son existence menée dans l’ombre, en marge de la société.

Un épisode qui me rappelle celui de l’hiver 1954, quand l’Abbé Pierre lance un appel radiophonique touchant, dont j’aimerais vous lire un extrait : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée… Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant l’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent ! La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! ».

Un appel qui encourage les Parisiens à offrir abri, couvertures et soutien aux milliers de personnes contraintes à vivre dans la rue, malgré la vague de froid qui sévit à ce moment-là, et qui donne naissance à la Communauté d’Emmaüs. Une communauté dont le but est, aujourd’hui encore, d’aider concrètement les personnes dans le besoin, selon la devise « Servir en premier le plus souffrant ». Il est beau de voir que des valeurs telles que l’amour du prochain et la solidarité perdurent au fil du temps, même dans notre société contemporaine individualiste. Sans cet appel, cette mobilisation, nous ne serions pas là aujourd’hui, pour fêter cet anniversaire important.

Mesdames et Messieurs, c’est pour moi un plaisir de vous souhaiter la bienvenue dans la salle du Conseil national, comme l’a fait mon prédécesseur, le conseiller national Max Aebischer, il y a exactement 50 ans, pour fêter l’anniversaire du manifeste universel du mouvement Emmaüs. Cette première assemblée a lancé un mouvement désormais devenu mondial et comptant des communautés dans près de quarante pays, qui luttent ensemble contre les causes de la misère.

C’est un immense honneur qu’un tel mouvement, inspiré par des valeurs aussi nobles, ait vu le jour ici, au sein même de la société civile, au cœur du pouvoir politique suisse. Un symbole important qui illustre la complémentarité de deux approches de soutien. La première consiste à apporter une aide concrète aux personnes, notamment par des activités bénévoles comme les collectes et les distributions d’objets d’utilisation courante organisées par vos centres ; et la seconde, à essayer d’éradiquer les causes sociopolitiques de la pauvreté et de résoudre la problématique par la voie législative. Deux approches qui ne sont pas contradictoires, mais véritablement complémentaires.

Dans le cadre de mon activité publique également, j’ai toujours cherché à intégrer des valeurs telles que la solidarité et l’aide au prochain à ces deux approches. J’ai notamment été active dans des associations telles que Casa Astra, un centre d’accueil pour sans-abri. Au niveau politique également, je me suis toujours engagée pour combattre la précarité et l’exclusion sociale. Je soutiens depuis toujours avec ferveur la Plateforme nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Lancé en 2014, ce programme issu de la collaboration entre la Confédération, les cantons, les communes et diverses organisations privées a été prolongé jusqu’en 2024 après un premier bilan positif dressé au bout de cinq ans. La collaboration entre les acteurs concernés a fait ses preuves et les diverses activités menées ont permis d’obtenir des résultats tangibles. Toutefois, compte tenu du taux de pauvreté – toujours élevé – et des changements structurels croissants dans l’économie, le problème reste d’actualité. C’est pourquoi il a été décidé, à juste titre, de poursuivre les efforts dans ce domaine.

 

L’odierno anniversario del 50esimo dall’approvazione del manifesto universale del movimento Emmaus non deve però solo essere il momento di guardare indietro, ma anche quello di volgere lo sguardo verso il futuro. Sono fiduciosa che continuando su questa strada, con la giusta e necessaria complementarietà tra gli approcci, riusciremo finalmente ad erodere la povertà strutturale alla radice del problema e a garantire a tutte le persone una vita dignitosa all’interno di una società giusta e solidale. Questa giornata non è solo un momento di festa, ma anche il ricordo della necessità di lottare sempre e ovunque, e soprattutto tutti assieme, contro le cause della miseria, all’insegna del motto scelto: «Dal dovere della memoria alla memoria del dovere».

 

Die Welt ist äusserst vielfältig – die Menschen sprechen verschiedene Sprachen, gehören unterschiedlichen Glaubensrichtungen an, pflegen eigene Traditionen und unterscheiden sich in ihrer sozialen Herkunft. Diese Vielfalt darf jedoch kein Grund sein für Spaltung und Spannungen, sondern muss als wertvolles Gut betrachtet werden: In einer solidarischen Gesellschaft, in der sich alle gegenseitig unterstützen, ist jeder anders und alle sind gleich. Geschätzte Vertreterinnen und Vertreter der Emmaüs-Bewegung, ich möchte Ihnen im Namen der eidgenössischen Räte und der Schweizer Institutionen herzlich für Ihren täglichen Einsatz danken. Machen Sie weiter so, wir brauchen Sie!

Vielen Dank für Ihre Aufmerksamkeit.

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